samedi 2 avril 2011

Chronique de Jean-Baptiste Placca : Côte d'Ivoire Le sens de l’honneur

Pendant que s’entassent les cadavres dans les morgues et autres sépultures de fortune, certains comptent les heures, en se demandant combien de temps Laurent Gbagbo va pouvoir encore tenir. Ceux-là espèrent le voir jeter l’éponge et l’entendre prononcer les mots qui mettront fin au cauchemar national. D’autres tournent leur regard vers le ciel, convaincus qu’un miracle est encore possible pour restaurer le pouvoir du même Gbagbo.

Il faut dire que Dieu est très sollicité, ces jours-ci, en Côte d’Ivoire. Amadou Kourouma, l’ivoirien, aurait sans doute rétorqué que Allah n’est pas obligé de voler au secours de tous ceux qui veulent demeurer à jamais au pouvoir, ou de ceux qui veulent le conquérir, aux mêmes fins.

Il y a tout juste une semaine, à quelques pas de la Présidence, à Abidjan, le leader des patriotes a rassemblé des dizaines de milliers, peut-être même cent mille jeunes gens, dans une impressionnante démonstration de force. Il leur a alors demandé de se faire enrôler dans l’armée et de se tenir prêts à défendre leur héros.

On imagine le sentiment de solitude qui doit habiter le héros, aujourd’hui assiégé par les forces pro-Ouattara, et réduit à transformer le palais en un nouvel hôtel du Golf. Les plus farouches de ses partisans nous annoncent que Gbagbo n’abdiquera jamais, laissant entendre que nous pourrions ne plus le voir vivant. Quitter ainsi la scène, sans aucune explication, en laissant son pays divisé, déchiré ? Et nous qui pensions que l’honneur, le rêve de ceux qui consacrent leur vie à la politique est de finir en beauté, y compris dans la défaite !

Dans cette crise ivoirienne, l’Afrique elle-même, humainement parlant, aura été divisée; bien des amitiés abîmées, des liens familiaux ruinés. Parce que le débat a très vite déserté l’aire de la démocratie, pour être habilement transposé sur d’autres terrains, dans des enjeux de souveraineté, d’ingérences, de fierté continentale.

Mais au terme de toutes les polémiques, la seule question qui vaille demeure celle de savoir qui a gagné l’élection du 28 novembre 2010 en Côte d’Ivoire. Pour le reste, ceux qui veulent voir la démocratie s’enraciner en Afrique doivent se résoudre à l’idée que les peuples soient dirigés par ceux qu’ils ont réellement et librement élus.

La responsabilité du drame qui s’étale sous nos yeux incombe donc aussi à chacun de ceux qui, à la commission électorale comme au Conseil constitutionnel, ont transigé avec le suffrage de leurs concitoyens, par faiblesse ou par cupidité. Cela s’appelle perdre tout sens de l’honneur.

Source: RFI

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