Par Jean-Baptiste Placca
A Abidjan, les spéculations sont en cours, qui nous rappellent que la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest attend toujours un gouverneur en titre. Le choix revient à Alassane Ouattara, et c’est une décision lourde de conséquences. D’où la perplexité de certains observateurs, à l’évocation des noms qui reviennent avec insistance.
Car l’enjeu, ici, n’est pas uniquement de désigner un successeur à Philippe-Henri Dacoury Tabley, mais d’indiquer, clairement, comment ne plus avoir, à l’avenir, à destituer un gouverneur, pour cause d’une trop grande subordination à l’égard de celui qui lui aurait fait la faveur de le mettre là.
Après le discrédit jeté sur l’institut d’émission avec la démission forcée de «l’homme de Gbagbo», en janvier dernier, envoyer un de ses obligés comme gouverneur à Dakar reviendrait, pour Ouattara, à tomber dans un piège que personne ne lui a tendu.
A la disparition du gouverneur Abdoulaye Fadiga, en 1988, Félix Houphouët-Boigny pouvait donner le poste à Charles Konan Banny, son « parent ». Mais « Le Vieux », vous en souvenez-vous, avait alors privilégié l’intérêt général, en allant chercher qui ? Alassane Ouattara ! Oui, le même, alors en poste au FMI.
Les Ivoiriens capables d’assumer valablement cette fonction ne manquent pas plus dans le pays que dans les grandes firmes et institutions financières internationales. Mais, dans le contexte actuel, être l’obligé, même compétent, d’Alassane Ouattara, peut s’avérer un handicap, au moins vis-à-vis des partenaires de la Zone Franc.
Le triste épisode de la démission forcée de Dacoury Tabley n’a d’intérêt que s’il permet d’élever le niveau de rigueur et de crédibilité de la BCEAO, pour en faire, définitivement, une institution de référence, en matière monétaire, en Afrique. Et cette rigueur passe, sinon par l’indépendance totale, en tout cas par une non soumission servile à des pouvoirs politiques parfois tentés par la resquille.
Certains se sont souvent prévalu, ces dernières années en Côte d’Ivoire, d’être l’économie la plus importante de l’Uemoa, en exigeant des autres le respect que cela confère. Mais en économie, comme, d’ailleurs, en politique, les plus forts ont aussi un devoir juridique de protection vis-à-vis des plus faibles de leurs partenaires.
La BCEAO est aussi bien la banque centrale de la Côte d’Ivoire que celle des sept autres Etats. Il est donc impératif de ne pas laisser penser qu’elle pourrait être «la chose» du président de la République de Côte d’Ivoire, qui y placerait ses obligés, capables, à l’occasion, de se retourner contre l’institution, parce que telle est la volonté de leur «bienfaiteur».
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